De Benoit Campargue pour Sport Managements System :
Dans le sport de haut-niveau, la détection est l’art de repérer ou identifier de futurs champions sans signes apparents de réussite. Quel système existe-t-il afin de mieux détecter les futurs champions ?
Il existe souvent un système de détection au sein des différentes disciplines sportives sans pour autant qu’il soit identifié comme tel. Plusieurs formes cohabitent, identifiées ou non.
La compétition
C’est le moyen le plus courant, il permet de repérer les « futurs » à partir d’un résultat. Il ne permet cependant pas de mettre à jour un talent caché car on n’a pas de visibilité sur l’avenir. Il faut par conséquent, interpréter ce résultat qui ne suffit pas à lui seul ; l’œil humain est nécessaire pour cela. Le système de compétition, qui démarre dans la plupart des cas au niveau local et va jusqu’ au niveau national permet un tri sélectif. La compétition a permis de détecter Teddy Riner lors d’un championnat de France UNSS en 2004 mais cet exemple n’est pas bon en détection tant il était évident qu’il présentait les signes d’un futur champion. L’enjeu a été davantage de construire, organiser et accompagner sa fabuleuse carrière. Le système de détection par la compétition a ses limites, car, certains talents passent à travers pour des raisons diverses (blessures, maladies, manque de maturité ou « emballement » de son entourage…). Il reste cependant un bon repère surtout lorsqu’il n’y a pas d’autres alternatives.
La plupart des disciplines l’utilisent, notamment celles qui n’ont pas de système de détection clairement identifié comme tel (le judo, l’escrime, la gymnastique, la natation…), mais aussi celles qui ont identifié la compétition comme un vrai levier de détection (le Basquet, le football, le hand-ball etc…). Les compétitions qui permettent d’identifier et/ou sélectionner sont souvent de niveau national (fédéral ou scolaire, rarement universitaire). L’accession au niveau national permet ainsi un « écrémage » naturel qui aboutit souvent à des regroupements, tests ou stages. Ils permettent d’observer :
- les qualités techniques
- les qualités physiques et mentales
- la capacité à supporter des efforts répétés
- l’esprit d’équipe et la capacité à se mettre au service du collectif pour un sport d’équipe.
- l’engagement
- la façon de s’adapter à un environnement différent de celui qu’il connait
- le niveau face à une opposition forte et sa capacité à y répondre
- l’intelligence de fonctionnement dans sa discipline
- l’autonomie de fonctionnement
Des tests sont fréquemment utilisés pour vérifier les qualités physiques comme la taille (basket, volley…), la souplesse (GR, Gymnastique, patinage, tae kwon do..), l’équilibre (gymnastique, patinage, judo…), la détente (basket, athlétisme, Volley, patinage..), l’endurance, la force ou le mental. On peut également mettre en place des tests de prophylaxie afin ensuite de « rééquilibrer » physiquement l’athlète et prévenir des d’éventuelles blessures lors de sa future carrière.
Le réseau est souvent une aide très utile en détection. Il est souvent constitué des cadres techniques de la fédération concernée, de recruteurs pour les clubs professionnels (football, Hand-ball…), des enseignants mais aussi d’autres connaissances de terrain, parfois d’élus de structures associatives ou même de parents. Autrefois, les professeurs d’EPS constituaient un réseau intéressant qui permettait de détecter les jeunes à l’école. Ces enseignants, à la fois impliqués dans le monde scolaire (Eps, Unss) et associatif (clubs) deviennent de plus en plus rares. Cela est regrettable car ils étaient un relai efficace de la détection dès le plus jeune âge (quid de l’université où le sport est devenu quasiment absent)…
Les recruteurs : les clubs professionnels des sports collectifs les plus en vue comme le football font appel à des recruteurs qui observent pendant une durée plus ou moins longue des joueurs ciblés à l’avance ou observés au hasard de leur présence sur les matchs. Le Football est en particulier concerné et des agents ont pu jouer également ce rôle par le passé.
L’œil du maquignon : les coaches expérimentés utilisent parfois leur 6ème sens pour miser sur une « perle ». La réussite d’un athlète dépend autant de son engagement que de son talent ; il est courant qu’un coache « mise » sur un athlète en lequel il croie et l’accompagne au meilleur niveau.
Le hasard : la découverte d’une discipline pour un futur grand champion est parfois lié au hasard des rencontres (d’un coach), à la proximité d’un club, à l’accompagnement des parent qui est essentiel dans certaines disciplines comme le tennis.
Le cas du sport automobile : au niveau des disciplines de piste, l’intervention fédérale (FFSA) s’arrête au niveau national (F4) pour une raison de coût. Ensuite, ce sont les écuries privées qui détectent les meilleurs talents issus de la Formule 4(entre autres) et donnent une suite de carrière en F3, GP3, GP2 (antichambre de la F1) puis éventuellement en F1 où les places au nombre de 20 sont très limitées. De nombreuses écuries de F1 possèdent leur propre filière : la filière Red-Bull pour l’écurie du même nom, la structure « Gravity » pour l’écurie Lotus (Renault depuis 2016). Les écuries Mercedes, Ferrari Mc Laren ont également leur propre filière de jeunes pilotes. Ces mêmes pilotes sont placés ensuite dans d’autres écuries et/ou la leur lorsqu’ils sont censés devenir des « top pilotes » (Sebastian Vettel ou Daniel Ricciardo chez Red-Bull, Lewis Hamilton chez Mc Laren puis Mercedes, Alain Prost chez Renault qui fait ses débuts en F1 avec Mc Laren Racing)
Un cas particuliers hors sport: la troupe du moulin rouge doit renouveler ses effectifs à hauteur de 4 danseurs/ses tous les 6 mois et doit organiser des auditions un peu partout dans le monde. Les premiers critères sont la taille (comme au basket) minimum de 1,75m pour les femmes et 1,85m pour les hommes, la qualité de danse, la souplesse, la tenue, l’élégance, la coordination artistique ou le sourire pendant l’effort….
Certains signes :
-la maturité technique
-une activité débordante
-de l’engagement
-un caractère bien trempé
-une technicité développée
-la capacité à travailler
-le plaisir de pratiquer
Conclusion : si on se réfère aux différents systèmes et à la définition première de la détection, celle-ci est très rare. Le plus souvent, on s’appuie sur le système existant (compétitions, stages, regroupements..), ce qui est efficace à condition de disposer d’un maillage important sur le territoire (Basket, judo, hand-ball…). Le maillage (clubs, pôles, ligues et comités…) est aujourd’hui le meilleur système de détection. Peu de talents passent au travers lorsque la filière d’accès au haut-niveau est relativement élaborée. Le club, élément de base du sport en France, dispose de relais vers le plus haut-niveau et est également efficace. Il permet d’avoir une vision sur la base et ainsi permettre aux futurs talents de faire leur chemin. Cependant certains athlètes peuvent malgré tout ne pas être pris en compte. Le basketteur Rudy Gobert, aujourd’hui un des meilleurs pivots Français, joue en NBA chez les Nuggets de Denver depuis 2013. Du fait de son retard de croissance à l’époque des tests, il n’avait pas intégré l’Insep. Il avait intégré un centre de formation (Cholet) destiné aux « seconds couteau ».
La vraie détection de talents qui ne possèdent pas de signes extérieurs apparents existe rarement. La détection est, la plupart du temps présente sans être identifiée comme telle. Elle existe naturellement via la compétition, le maillage des clubs ou de la filière d’accès au haut-niveau, les réseaux mais sans le savoir ou sans qu’elle soit identifiée comme telle.